Monsanto, les rongeurs et la fraude scientifique

Par André Ménache — 

Le scandale du glyphosate s’explique notamment par les tests sur les animaux : une méthode archaïque et peu fiable.

Contre l’expérimentation : André Ménache, vétérinaire; conseiller scientifique pour l’ASBL Suppression des expériences sur l’animal (SEA)

L’affaire Monsanto et du désherbant glyphosate ne révèle que le sommet de l’iceberg d’une politique de sécurité sanitaire scandaleuse qui nous concerne tous au quotidien. Il a fallu attendre près d’un demi-siècle (le glyphosate a été commercialisé par Monsanto sous la marque Roundup à partir de 1974) et l’accumulation de dégâts incalculables envers les victimes humaines et l’environnement pour enfin voir condamner la firme par la justice californienne.

Jusqu’à la victoire judiciaire le 10 août du jardinier Dewayne Johnson, atteint d’un cancer incurable, tous les fabricants de produits phytosanitaires pouvaient compter sur une formule astucieuse pour se sortir de ce genre de procès «ennuyeux».

Elle tient au fait que l’autorisation pour la mise sur le marché de tout produit phytosanitaire en ce qui concerne la sécurité sanitaire humaine se base largement sur des tests sur animaux, le rongeur étant le mammifère de référence.

Le fabricant peut ainsi s’appuyer sur le fait qu’il existe souvent des données animales contradictoires : il suffit de choisir la «bonne espèce» pour démontrer l’innocuité de quasiment n’importe quelle substance. Par ailleurs, très peu de données humaines sont disponibles (il n’existe aucun dispositif juridique obligeant un suivi systématique une fois un produit phytosanitaire commercialisé), ce qui rend encore plus difficile de prouver un lien de cause à effet entre un produit et une pathologie humaine.

Mais grâce aux Monsanto Papers, on sait que l’entreprise avait occulté plusieurs données, y compris une étude dans laquelle des souris exposées au glyphosate développent un cancer rare. En paniquant et en cachant cette étude et d’autres éléments, Monsanto a marqué un but contre son propre camp et s’est retrouvé condamné.

Mais quelle est la réelle signification des cancers observés chez la souris, vu que les tumeurs de ces animaux sont majoritairement des sarcomes alors que chez les humains, la majorité des cancers sont des carcinomes, donc très différents ? La vraie fraude scientifique va bien au-delà du procès contre Monsanto. Elle réside dans une politique de santé publique qui se fie toujours à des tests sur animaux, ce qui va à l’encontre de nos connaissances du XXIe siècle. On ne peut pas ignorer le fait que 70 millions d’années d’évolution séparent les rongeurs des humains, y compris pour leurs systèmes immunitaires.

Concrètement, quelle leçon peut être tirée de cette odieuse affaire ? La réglementation américaine (le Toxic Substances Control Act de 1976) est très claire à ce propos : la preuve du risque sanitaire ne doit pas incomber à la société civile et ne doit pas être réglée uniquement par le gouvernement. Ce fardeau doit être porté par l’industrie ou le fabricant souhaitant fabriquer ou commercialiser des agents chimiques. Il est évident qu’en l’occurrence l’esprit de la loi n’a pas été respecté.

La situation en Europe n’est guère meilleure. La politique de l’Union européenne est fondée a priori sur les principes de précaution mais en réalité elle favorise le risque au nom du commerce. Dans la réglementation Reach, même si une substance présente un risque pour la santé humaine ou pour l’environnement, l’autorisation peut être donnée s’il est prouvé que les bénéfices socio-économiques dépassent les risques générés par son utilisation et s’il n’y a pas d’alternatives appropriées.

Et pourtant, nous pourrions et nous devrions mettre en œuvre quelques mesures basiques pour changer de paradigme en matière de sécurité sanitaire. Il s’agirait dans un premier temps de remplacer l’exigence réglementaire de tester nos produits chimiques sur des animaux par des méthodes fiables et dignes des technologies du XXIe siècle. Et ensuite d’instaurer un dispositif de biosurveillance des populations vulnérables (femmes enceintes ou allaitantes, agriculteurs) et de tout salarié souhaitant un dépistage précoce systématique (par exemple, un bilan sanguin tous les ans dans le cadre de la loi du travail). Enfin, il faudrait nous diriger vers une politique remplaçant les produits toxiques par ceux respectueux de notre santé et de l’environnement.

André Ménache

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