LE CENTRE

 

Je suis né ici, dans le Centre et j’y ai toujours vécu. Aussi loin que remonte ma mémoire, il y a le chuintement des machines, la lumière jaunâtre des ampoules électriques, l’odeur infecte de la maladie et des excréments.

Je suis né ici et j’y mourrai. Personne ne s’échappe jamais du Centre. Le Centre est conçu pour la douleur et la mort. Les barreaux de ma cellule délimitent un espace trop étroit pour que je m’allonge ou que je me dresse. C’est une cage suspendue au-dessus du sol en ciment et je ne compte plus les plaies ouvertes dans ma peau par le frottement des barreaux.

Je suis né ici et j’y mourrai.

Je n’ai pas connu mes parents. Ils séparent le mère de ses enfants dès la naissance. A vrai dire, nous ne vivons pas très vieux. Ils nous tuent au fur et à mesure de leurs besoins. Parce que le pire n’est pas la souffrance, la peur ou la solitude.

Le pire, c’est qu’ils nous mangent.

C’est pour cela qu’ils nous obligent à nous nourrir plusieurs fois par jour. Pour que nous engraissions. Oh non ! Nous ne mourrons pas de faim ici. Nous sommes gras à vomir. Des obèses suspendus dans leurs cages, dans la puanteur de leurs déjections.

Je ne parle à personne. Je n’ai rien à dire. J’entends les cris et les larmes, les supplications et les hurlements de rage, de révolte inutile, tout autour de moi. J’entends le chant de ceux qui sont devenus fous et le chuchotement incessant des prisonniers du quartier disciplinaire.

Là-bas, ils sont attachés, les bras le long du corps, sans jamais pouvoir soulager la tension de leurs muscles, et on les gave de force, sous la lumière stroboscopique.

Il y a toujours un enfer au-delà de l’enfer.

Parfois, je me demande quel sens peut avoir ma vie, prisonnier dès ma naissance d’une race cruelle et carnivore. Certains parmi les plus vieux, disent que nous ne sommes nés que pour ça, pour servir de nourriture à nos maîtres. Et dans ce cas, le sens de ma vie est d’être comestible. Mais si cela était vrai, si je n’avais d’autre fonction que d’être transformé en éléments nutritionnels, alors pourquoi suis-je doté de membres qui me permettent de courir, pourquoi ai-je une voix, un langage, des yeux ? Pourquoi ai-je mal ?

Je n’ai pas peur de mourir, c’est la souffrance qui m’use, qui me roule et me rabote comme un galet meurtri par la mer. 

Il paraît que la mer existe. Une légende raconte qu’autrefois, quand nous étions libres, certains d’entre nous vivaient dans des fermes près de la mer. Et qu’elle était immense et bleue.

Immense, c’est jusqu’où ? Bleu, c’est la couleur de leur uniforme.

Ils tapent sur les cages quand c’est l’heure de manger. Une nourriture sans goût, synthétique, économique, qui se bloque dans la gorge et qu’il faut avaler tout de même, avaler sans cesse, et vomir parfois, et chier sous soi. Ils ne nettoient presque jamais les cages.

Je suis né ici et j’y mourrai, sans amour, sans ami, sans jamais avoir connu l’extérieur. Sans jamais avoir vu ce qu’ils appellent le ciel. Quand ils viennent nous nourrir, ils discutent entre eux. Ils parlent du temps qu’il fait. De la pluie et du beau temps. Du froid et de la canicule. Du fond de l’air qui est frais. Il paraît qu’ici il fait chaud. Pour moi, la température est constante, je n’en ai jamais connu d’autre. Les machines la maintiennent à 24°.

J’imagine que je me réveillerai un matin et qu’il fera 23° ou 25° mais c’est inconcevable. Il n’y aura jamais de changement, jamais de révolte, jamais de liberté. Nous sommes trop faibles. Les produits chimiques qu’ils nous injectent détruisent nos facultés. Nous sommes faibles et idiots. Apeurés et dociles. De la viande sur pied. J’en connais certains d’entre nous dont la peau des bras s’est soudée à celle des flancs et qui restent immobiles comme des statues à avaler leur pâtée, jour après jour.

Nous ne comptons pas les jours. C’est impossible avec la lumière électrique. Je crois qu’ils l’éteignent souvent et pour de longues périodes afin que nous dormions beaucoup et engraissions encore plus.

Je ne connais même pas mon âge. En regardant ceux qui m’entourent, je pense être à mi-chemin de la mort. La mort ne survient jamais par vieillesse. On nous prend en pleine maturité, bien gras.

Le bruit de leurs bottes décroît. Ils vont éteindre la lumière et nous laisser dans l’obscurité insondable, accroupis dans notre merde.

Voilà ma vie.

Je ne l’ai pas choisie. Ma seule faute est d’appartenir à une race trop faible dans un monde dépourvu de justice et d’humanité. Mais qui cela intéresse-t-il ?

Maintenant, comme toutes les fois, le plus grand des gardes va se retourner et appuyer sur l’interrupteur en criant :

  • Salut, les volailles !

Et ce sera le noir.

AUBERT Brigitte, Scènes de crime, Nouvelles, Mayenne, éd. Th. Magnier, 2007, 83 à 87.


S.E.A. Sauvetage de poules pondeuses en cage. Nov 2016

Comme vous le savez, S.E.A. est sensible à toute forme de souffrance animale quelle qu’elle soit. Durant quasiment tout le mois de novembre 2016, nous avons été présents dans un élevage industriel de poules pondeuses en cage pour tenter de sauver un maximum de poules qui devaient être emmenées à l’abattoir.

Grâce à un mouvement citoyen hors du commun, nous avons réussi à sortir environ 6.000 poules pondeuses d’un des plus gros élevages de Wallonie. Chaque jour, nous étions sur place pour sortir les poules des cages et les remettre à des adoptants qui voulaient leur offrir une fin de vie heureuse. Grâce à la générosité de nombreux amis des animaux (Vicky, Marie-Christine, Martine, Stéphane, Bruno, Dominique, Lindsay, Yves Dalcq et bien d’autres que nous remercions vraiment) nous avons également pu mettre plusieurs centaines de poules à l’abri, avant le passage de l’abattoir, et les proposer à l’adoption.

Certaines personnes qui venaient chercher des poules ont également retroussé leurs manches et sont venues nous aider à sortir les poules des cages ; nous ne connaissons pas leur nom mais leur soutien nous a été précieux. La presse écrite, la radio, la télévision nous ont également bien aidés à sauver ces poules et à les faire adopter ! Merci d’avoir régulièrement annoncé ce sauvetage et d’avoir fait appel aux adoptants.

Nous n’avons malheureusement pas pu répondre à tous ceux auraient voulu adopter des poules mais nous avons fait notre possible et nous espérons faire encore mieux la prochaine fois. Si vous voulez voir les poules sauvées des cages dans leur nouvelle maison, vous pouvez aller voir sur facebook suppression des expériences sur l’animal et sur www.stop-vivisection.be

En 8 ans, l’association a pu redonner une nouvelle vie à plus de 55.000 poules pondeuses.

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